© ChrisVanDerBurght
Un Requiem haut en couleurs !
« Requiem pour L. », mis en scène par Alain Platel et composé par Fabrizio Cassol était au programme du Maillon, scène européenne de Strasbourg, le 27 et 28 février et 1er mars. J’ai eu la chance d’assister à la première du spectacle qui était profondément bouillonnante.
Mais de quoi parle cette pièce qui mélangeait à la fois du jazz, de l’opéra, de la musique africaine populaire et de la danse ?
Les artistes convoquent sur scène une célébration de la mort, celle de L., présentée tout d’abord par une projection vidéo en noir et blanc et muette en fond de scène. Cette image va alors donner un caractère intime et profond à l’ensemble de la pièce sans pour autant nous faire tomber dans une atmosphère morbide. Ici, on célèbre le dernier souffle de L., qui nous quitte sous nos yeux, comme si on célébrait la naissance d’un enfant. Le chant et la danse vont rentrer dans une osmose qui fait vibrer le plateau. L’énergie va se transmettre entre les artistes par le geste et la parole. Le geste devient langage quand les mots ne peuvent pas se verbaliser et la musique devient émotion.
« Dans pas mal de pays, on célèbre la mort de façon très vivante. Il y a dans Requiem pour L. des références à ces rituels [africains]. […] J’avais dans l’idée de montrer quelqu’un en train de mourir. Je l’ai vécu. De ces instants au-delà du chagrin, on retire une grande force », confie Alain Platel à Clara Tellier Savary pour le magazine Les Inrockuptibles.
C’est cette force qui va être portée par les quatorze musiciens-chanteurs-danseurs venus de plusieurs continents. Dès qu’ils étaient partis dans leur propre langage, corporel et musical, on ne pouvait plus les arrêter. C’est comme s’ils mettaient toute leur âme et leur corps dans ce dernier voyage vers la mort. Ainsi c’est un Requiem universel et profondément humain qui se présente à nous. Car la mort est quelque chose que nous partageons tous donc donnons à cette mort à un beau visage pour qu’elle devienne.
« Requiem pour L m’a bouleversée. A travers l’omniprésence de la mort sur scène, Alain Platel et Fabrizio Cassol soulèvent chez les spectateurs des questionnements très personnels tout en se réappropriant la thématique universelle du deuil. Toute sa force réside dans la projection vidéo des derniers instants d’une femme, L, que les artistes-musiciens accompagnent au-delà de la vie à travers une énergie débordante et une grande technicité. Entre musique classique et chœurs en lingala, entre danse et percussions corporelles, le rituel du deuil apparaît finalement comme un hymne et une célébration de la vie. » Me confie Lucile Darstein, étudiante en Master 1 Approches des politiques des arts de la scène et de leur médiation.
Ainsi, le compositeur Fabrizio Cassol s’empare d’un grand classique de la musique pour en réécrire une nouvelle histoire à partir d’une diversité culturelle et musicale. Nous avons à faire à une réinvention d’une tradition orale et écrite au cœur d’un métissage. L’œuvre est ainsi le fruit de la collaboration et de la spécificité de chaque musicien qui a apporté sa propre signature. Quant à Alain Platel, il va traduire la grande émotion que fait surgir l’œuvre de Mozart par le corps. Il donne alors une nouvelle force, très énergique et humaine, au Requiem en partant des traditions chorégraphiques des interprètes pour rendre à la fois hommage à Lucie, son amie, mais aussi au grand art de Mozart.
Marion Fouquet, ambassadrice Carte culture.
Grâce au dispositif missions professionnelles ALL-SHS de l’Institut de Développement et d’Innovation Pédagogiques (IDIP), la Carte culture propose aux étudiants de devenir des « Ambassadeurs Carte culture ». Se glisser dans la peau d’un spectateur et faire part de leur expérience culturelle : la Carte culture par les étudiants, pour les étudiants !