© Simon-Gosselin
Dans le noir absolu, une voix s’élève. Celle de l’acteur Laurent Sauvage. Il raconte le destin d’un agriculteur vaincu par l’ingratitude d’une terre pas assez performante pour résister aux injonctions européennes décidées par la PAC (Politique Agricole Commune). Les récoltes du fermier sont minables. Ruiné, il a dû vendre sa ferme. La descente aux enfers est en route et avec elle, la chute du paysan. Un beau sujet pour le théâtre que cette figure d’un homme broyé par le productivisme. Metteur en scène trentenaire surdoué (déjà invité à La Filature avec Les Particules élémentaires et 2666), Julien Gosselin délaisse ici la vidéo dont il est d’habitude friand pour un spectacle choc et performatif, où des lumières stroboscopiques et un son pulsatile transportent le monologue de l’autrice Stéphanie Chaillou dans un univers apocalyptique, cauchemardesque et littéralement saisissant. Le dispositif scénique, plastique, visuel est organique et si l’acteur en est le centre, il en est aussi le jouet. Cette représentation s’inscrit bien au-delà du théâtre. Le précipité de mots y est pris à la gorge par un plateau de bois autonome qui semble, à un moment donné, prendre le pouvoir sur l’être humain et hurler sa propre partition, comme hurlerait une gueule béante et sauvage.
vendredi 06 mars 2020 à 20h
La Filature – Mulhouse