I AM EUROPE (Falk Richter) ©Jean-Louis Fernandez
I am Europe, mais quelle Europe ?
En tant qu’ambassadrices de la Carte Culture pour ce second semestre, nous sommes allées à la découverte de l’auteur, metteur en scène et traducteur allemand Falk Richter. Auteur associé du TNS depuis 2015, Falk Richter présente en ce moment son nouveau spectacle I am Europe au TNS, jusqu’au 24 janvier. La création du spectacle a commencé il y a plus de quatre ans dans le cadre d’ateliers avec des groupes de performeurs venant de quatorze pays différents. Ces ateliers sont partis d’improvisations autour d’histoires personnelles sur les bouleversements politiques, religieux, sociaux de l’Europe d’aujourd’hui. Ce spectacle pluridisciplinaire qui s’articule entre théâtre, danse ou expression corporelle, musique et vidéo interroge alors « l’état émotionnel » de l’Europe. En s’appuyant sur les expériences personnelles et les récits de vie des huit performeurs, danseurs, comédiens venant de différents pays, une Europe fragmentaire, fragilisée, menaçante se présente à nous.
Qu’est-ce qui t’a le plus marquée dans cette pièce ?
Lozen : Ce qui m’a le plus touchée c’est la diversité des sujets (politique, amour, environnement, culture…), des moyens d’expressions (théâtre, danse, chant, vidéo, mais aussi différentes langues parlées…) et des histoires personnelles de chaque acteur qui ont été racontées. Tout au long de la pièce on suit leurs vies et on s’attache finalement à eux. Par les thématiques abordées qui nous font réfléchir, on se sent finalement plus européen que l’on aurait pensé. Grâce à la diversité présente tout au long de la pièce, on note aussi que l’Amour, de manière générale, a une grande place parmi les valeurs européennes.
Enfin, si je devais choisir un moment qui m’a le plus marquée, je dirais quand l’on parle de la question écologique et environnementale. L’expression artistique était tellement forte que le message qui en découlait était aussi puissant et touchant… j’en étais presque mal à l’aise et je me suis même sentie en partie coupable.
Marion : Ce qui m’a vraiment marquée c’est la grande dynamique de groupe du début à la fin. On s’attaquait à nous avec des sujets de la vie de tous les jours, traités en plus d’un point de vue très personnel. Il y avait également un engagement très fort des artistes. Je pense que le moment qui m’a le plus marquée était le monologue de la comédienne slave sur son vécu de la guerre. Dans une émotion très forte, elle nous dit comment la guerre a transformé et détruit son entourage, sa famille, ses amis. Elle a réussi à toucher, captiver l’attention des spectateurs avec une parole vraie et authentique. C’était aussi très beau les interactions avec le public. On était acteurs de leur pièce et sans nous elle n’aurait plus de sens. Et on passait sans cesse d’une émotion à une autre. On perd le contrôle de nous-mêmes devant I am Europe.
Francesca : C’est une question très compliquée, car la pièce elle-même est très complexe. Dès le début, je me suis ressentie très attachée aux acteurs et actrices sur scène. Étant moi-même étrangère et parlant plusieurs langues, la question du mélange d’identités nationales m’a touchée de près. L’Europe est représentée comme un « pot-pourri » très hétérogène de cultures, langues et idéaux. L’idée de diversité est, en effet, un des éléments centraux de la pièce.
Et qu’est-ce qui t’a le plus dérangée ?
Marion: Pour moi, il y avait un trop plein d’informations ; intimes, sociales, politiques, économiques, écologiques… Qui s’accompagnaient d’un dispositif trop éclaté avec beaucoup de moyens d’expression : danse, théâtre, performance, vidéo et musique. On ne pouvait pas tout regarder, mais c’était l’objectif, je pense. Les frontières étaient brouillées avec cette hybridation des genres car les frontières elles-mêmes de l’Europe sont brouillées et en perpétuel mouvement. La pièce pose cette question : « Comment on peut définir l’Europe d’aujourd’hui ? » J’aurai beaucoup aimé que la danse soit moins dans l’ombre, notamment à la fin.
Francesca : Presque tout m’a dérangée, pour être sincère. Et c’était clairement le but de tout le spectacle. Déranger le public de façon très forte, critique et à la fois cynique. Les questions abordées étant très nombreuses, nous, le public, n’avions pas le temps de nous émouvoir, car on changeait rapidement de sujet, comme quand l’on lit l’actualité. On nous balance une multitude de sujets, de questions, constamment, sans arrêt. La pièce représente parfaitement ce sentiment de superficialité face aux news les plus choquantes qui caractérisent la société d’aujourd’hui.
Lozen : Compliqué de dire ce qui m’a le plus dérangée, car j’ai adoré en tout point cette pièce, mais comme je disais, les messages étant forts, j’étais tellement plongée dans la pièce qu’à la fin je me suis sentie sous le choc, abasourdie, déstabilisée ; plusieurs de mes bases étaient détruites. Je me suis posée plein de questions. On se rend compte que l’on vit un peu dans une sphère dorée et que l’on ne peut agir et aider sur tous les domaines, mais alors comment choisir un seul domaine pour lequel on donnerait à fond de sa personne ? Toutes ces questions sont très complexes et dérangeantes. C’est utile de se les poser ; si on se les pose, c’est que le but de la pièce a été atteint !
Pourquoi faut-il aller voir cette pièce ?
Francesca : Tout le public se sent touché personnellement, grâce au grand nombre de thématiques. Mais attention : si l’on cherche une pièce légère et frivole, ce n’est pas ici qu’il faut regarder. Soyez prêts à être bouleversés, gênés, chamboulés et à vous remettre en question.
Lozen : Chers amis internautes… ALLEZ VOIR CETTE PIECE ! On passe par toutes les émotions : on y rigole, on y pleure, on est touché, révolté, émerveillé. Cette pièce nous permet aussi d’ouvrir les yeux sur différents sujets d’actualité, ainsi que sur toute la grande et riche diversité culturelle qui nous entoure.
Marion : C’est une pièce qui sort de l’ordinaire. On s’y attend pas. Et elle casse vraiment les stéréotypes qu’on peut avoir sur le théâtre, et plus précisément sur un théâtre national. Richter montre à quel point on peut encore s’exprimer librement sur scène.
Grâce au dispositif missions professionnelles ALL-SHS de l’Institut de Développement et d’Innovation Pédagogiques (IDIP), la Carte culture propose aux étudiants depuis la rentrée de devenir des « Ambassadeurs Carte culture ». Se glisser dans la peau d’un spectateur et faire part de leur expérience culturelle : la Carte culture par les étudiants, pour les étudiants!