© Grégory Massat
C’est tout en décontraction et converse à plateforme que Sébastien Giot a répondu aux questions d’une dizaine d’étudiant·es parti·es à sa rencontre le mardi 19 novembre 2024 à l’occasion du nouveau format de l’Orchestre philharmonique, « l’heure joyeuse », à la Cité de la musique de la danse.
Sébastien Giot a suivi un double cursus – violon et hautbois – au Conservatoire à rayonnement régional de Perpignan. A vingt ans, il entre à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg comme hautbois solo et enseigne également au Conservatoire à rayon régional de Strasbourg ainsi qu’à l’Académie supérieure de musique de la HEAR. Il est régulièrement invité dans de prestigieux orchestres ainsi que dans différents pays pour y donner des masterclass.
En janvier 2025, après un concours, il intégrera l’Orchestre de Paris en tant que hautbois solo.
Etudiant·e : est-ce que vous stressez avant un concert ? Qu’est-ce que vous faites pour le limiter ? Est-ce que vous avez des rituels avant de monter sur scène ?
Sébastien Giot [rires] : bien sûr que je stresse toujours un peu avant un concert ! Mais j’ai vu un hypno-thérapeute et maintenant j’en fais cinq à dix minutes avant chaque concert. Je veux dire, de l’auto-hypnose. J’ai appris à le faire et maintenant j’envoie même mes étudiant·es – parce que j’enseigne ici aussi, au Conservatoire – chez lui.
Etudiant·e : pourquoi vous avez décidé de partir à Paris ?
Sébastien Giot : mes enfants sont grands désormais et vont bientôt partir en études supérieures. Cela fait presque 25 ans que je suis dans l’Orchestre de Strasbourg. Je me suis dit que j’avais aussi envie de changer d’environnement. Après, à 45 ans, c’est plus difficile de se remettre dans l’optique d’un concours.
J’étais face à des candidat·es plus jeunes qui travaillent les pièces demandées toute la journée et qui sont justement dans cette optique de concours. Le plus difficile était donc de passer ce premier tour, qui se déroule anonymement derrière un paravent. Après, c’est plutôt mon expérience qui a payé. Au dernier tour, nous n’étions plus que trois. Maintenant, j’ai un an de stage parmi l’Orchestre de Paris et à l’issu de ce stage, je saurai si je peux y rester ou pas.
Ce stage est nécessaire pour voir si l’alchimie avec les autres musicien·nes fonctionnent. Imaginez : vous passez votre vie à côté de quelqu’un·e dont la tête ne vous revient pas ! [rires]. C’est le chef qui décidera si je peux rester ou non. Si je ne reste pas, je pourrai réintégrer ma place dans l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Dans les orchestres allemands, le stage dure deux ans et c’est l’ensemble de l’Orchestre à main levée. C’est plus difficile car certain·es quittent tout (leur place en orchestre, leur ville, leur famille) mais au final ne sont pas retenu·es et ne retrouvent pas leur poste.
Il se peut aussi que des postes ne soient disponibles qu’une fois tous les trente ou quarante ans. C’est le cas, par exemple, d’instruments comme la harpe. À Strasbourg, le concours a été pourvu il y a un an ou deux par une interprète assez jeune. Elle se peut qu’elle y fasse toute sa carrière donc son poste ne sera ouvert à nouveau que dans quarante ans.
Etudiant·e : qu’est-ce qui fait la spécificité de votre métier ?
Sébastien Giot : les horaires [rires]. Je travaille trois ou quatre heures chez moi. Je ne peux pas travailler plus car sinon je peux m’abîmer les lèvres. Le reste du temps, je prépare mes anches [Languette de roseau, de bois ou de métal, dont les vibrations produisent le son dans les instruments à vent].
J’ai appris à les préparer moi-même. Cela fait partie de la formation des hautboïstes. Au départ, c’est notre prof qui s’en charge puis en cycle 3, au Conservatoire, on apprend à les faire.
Souvent, les répétitions ont lieu le soir donc c’est un peu difficile pour l’organisation familiale [rires]. Pareil, on ne peut pas décaler les concerts donc tant pis si cela tombe sur un mariage ou une fête de famille.
Je travaille même le week-end. Souvent, je prends quinze jours de vacances l’été durant lesquels je ne touche pas du tout à mon instrument. Cette année, j’ai appris trois semaines mais c’était trop long car la reprise a été encore plus difficile. Plus on passe du temps sans touche à son instrument, plus on met du temps à le « refaire », notamment les anches.
En ce moment, ce qui est le plus difficile, c’est le changement de température qui peut faire que l’instrument change. Il faut que je fasse très attention aux changements d’air et à l’humidité.
Après la rencontre, les étudiant·es ont pu assister au solo de Sébastien Giot pour pour le Concerto pour hautbois sur des motifs de l’opéra La Favorite de Donizetti mais aussi à Pulcinella, suite pour orchestre, d’Igor Stravinski.